lundi 5 septembre 2016

Course ascension du Mont Blanc par les trois Monts - 15 Août 2016


In a Nutshell : 
Ascension du Mont Blanc par la voie des 3 Monts
D+ montée en cumulé : 1750m
Altitude de départ : 3500m, arrivée : 4808m
D- descente : 2800m


La veille : 15/08/2016 - Fête des Guides à Chamonix
Le temps est plutôt au beau, n'est-ce pas?

Lundi matin, c’est la préparation finale des sacs, et location de mes chaussures et crampons. Asolo : parfait, c’est ma marque: de vrais chaussons à mes pieds. Et des Grivels pour les crampons, bien affûtés m’assure le vendeur de Snell ; je tiens à pouvoir m’y fier pour la descente, histoire de ne pas renouveler l’expérience de folles glissades sur le Tacul…
Les parents de François nous font un gentil signe du balcon alors que nous marchons pour la gare du téléphérique, pour la ‘benne’ de 16h45.

















L’ascension jusqu’à l’Aiguille se fait à une vitesse folle, la cabine étant presque vide. L’arrivée à la gare se fait au ralenti, une intervention est en cours, un technicien en équilibre réalise une soudure… 



Impressionnant!












La météo est plutôt bonne, même si des nuages se développent autour de l’Aiguille. Equipement, photo souvenir même si François préférerait partir rapidement, 
 et ça y est on se lance sur la belle arête!

Des nuages masquent le côté Chamonix, ce qui va bien à François; nous croisons quelques cordées sans souci, la neige est toute molle en cette fin d’après-midi.
 La vue d'ici est toujours aussi spectaculaire, le glacier et les belles lumières sur les sommets – la dent du géant et les Grandes Jorasses.

Quelques brassées de neige à traverser, la petite montée jusqu’au refuge des Cosmiques, soient 100m que nous avalons sans difficulté. Quel plaisir de sentir son corps disponible! En face, la jolie masse du Tacul. Mais ça, c'est pour demain.





Dîner à 18h30, nous avons juste le temps de nous installer dans le dortoir d’une vingtaine de couchettes, le dortoir des "petits déj à 1h".
Nous nous installons aux places imparties, en nous tassant à 6 sur une table de 4. Sympathiques échanges avec nos voisins : lui jeune gendarme à Annecy, Guidant son amie pleine de vie au sommet. En bout de table deux italiens, père et fils, le fils passera la plupart du diner allongé sur un banc avec des vertiges. Les effets de l’altitude. Pour notre part nous savourons nos plat d’un bel appétit, en admirant les tenues très techniques des voisins d’autres tables, probablement une équipe de pays du nord, tous jeunes et bronzés.
Les dents et au lit, à 20h30 on est dans les couchettes, même en faisant durer à lire des magazines dans la salle. Dehors c’est le brouillard, puis il se met à pleuvoir. Quand je monte, la moitié des couchettes est déjà occupée de dormeurs.

Pas de mal des montagnes pour François ni pour moi, nous apprécions. L’acclimatation joue bien son rôle. Le réveil est réglé pour 1h - moins 10. J’ai du mal à m’endormir, il est tôt, demain c’est le Jour J…

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Ça s’agite et remue et se prépare dans le dortoir : il est minuit trente. M’enfin les gars, vous n’avez pas bouclé votre sac hier soir…
Qu’importe, allez hop, petit déj les yeux ouverts comme ils peuvent. Il ne faut surtout pas retarder la gardienne qui doit enchaîner les horaires : 1h, 3h, 5h, 7h…


S’équiper, et hop, dehors dans la neige :

Départ :  Il ne fait pas vraiment froid. Les crampons, la corde et c’est parti. Devant nous s’allonge une ligne de frontales. 2 ou 3 cordées sont encore derrière nous. La Lune a tenu a être au RV et nous accompagner sur le début, rendant le paysage très lumineux.

Peu avant 2h : Départ en douceur, petite descente et c’est tout plat. Nous sommes en forme, aucune trace de mal des montagnes. Prêts! Les étoiles scintillent dans le ciel dégagé, plus aucune trace des nuages d’hier soir : la météo est conforme à ce qui a été annoncé.









Là il n'y a plus de photos, c'était la nuit. ;>


Le premier mont : le Tacul, +700m
Le Tacul est d’abord accueillant, son flanc s’élève en une courbe douce. Cette fois, contrairement à l'an dernier, la trace ne monte pas tout droit mais zigzague. Nous entrons dans l’ombre de la lune, la pente augmente, et devient carrément raide : le Tacul dans sa splendeur! Le contraire de la part de ce grand seigneur nous décevrait... 
Les choses sérieuses commencent. Une épaisse couche de grésil emplit les traces, et François peste : il ne peut affirmer autant qu’il le souhaiterait les prises de crampons et piolet.
La progression se passe bien, aucune glissade. Nous croisons un italien tout seul qui redescend : je lui demande si tout est ok, il marmonne ‘Si si’ et continue. Sa cordée est juste au dessus et continuera sans lui. 
Dans la pente raide, les mollets tirent : tiens, notre tour du Mont Blanc ne nous aura pas entraîné à renforcer les mollets… C'est à dire qu'en rando, la jambe n'est pas amenée à être dans cette position de talon franchement vers le bas. François me montre la technique de la progression latérale en crabe qui épargne les mollets.
Pour notre part, le Tacul est franchi en 2h50, nous sommes environ à 4100m : et d’un! sans grande difficulté physique ni de terrain: pas de rimaye, de petites crevasses franchies rapidement.
A l’attaque du Mont Maudit : il faut redescendre un peu pour l’aborder.

Le deuxième mont : le Mont Maudit C’est alors que, dans l’approche, un grondement retentit : nous nous figeons, toute la montagne gronde, bien devant nous, nous fixons épouvantés les lumières dont sa face est constellée : je ne respire plus, nous restons figés des pieds à la tête, pétrifiés par l'appréhension de voir des lumières des frontales sur la face balayées!!! Nous fixons les lumières avec intensité, les faisceaux fouillent la face de la montagne dans tous les sens; mais elle ne s’éteignent pas, ouf!! François pense qu’il s’agit d’un éboulement de rochers du côté italien.
Dieu quel effroi, mais immensément rassurés que toutes les petites lumières devant nous soient intactes, les voyant se remettre en route, François estime que ce qui devait tomber a purgé la face, nous nous remettons à notre tour en marche. Nous croisons une cordée : une italienne et son compagnon font demi-tour, ils ont vu la poudre de l’avalanche et rebroussent chemin. Nous discutons quelques minutes, et continuons, nous allons voir. La trace finit effectivement par rencontrer la coulée et être coupée. Il s’agit de la toute fin de la coulée, rien d’effrayant. Devant nous, une cordée de 3 personnes qui nous a doublés et a tracé son chemin. Nous marchons sur leur trace. Au dessus de nous mais à une certaine distance, les séracs. Nous nous hâtons de finir cette traversée.
Ce qui nous a incités à continuer à ce moment là : François n’avait pas entendu que le Mont Maudit soit particulièrement dangereux; de plus la trace passait dans la toute fin de la coulée, et toutes les cordées sauf une ont continué… C’est une décision de l’instant, et puis aussi le soulagement d’être sûrs, car nous l’étions à ce moment, que si une cordée avait subi des dommages nous l’aurions vu grâce à la lumière des frontales. 
Hélas, le lendemain nous apprendrons de bien tristes nouvelles.

Mais pour l'heure, l'effort continue : 
Les séracs sont franchis, aucune nouvelle alerte, au dessus de nous les lumières continuent à serpenter. 
Les premières lueurs du jour éclairent l'est, à notre gauche, puis dans notre dos

François repère le mur qui nous permettra de sortir : la cordée de 3 s’y trouve, et semble rencontrer un os : ça n'avance pas vite. 
Dernière longueur avant le mur : derrière nous, le jour se lève, et donne lieu à de superbes jeux d’orangers dans les nuages. Le temps de se mettre en place pour l’escalade de la paroi, nous prenons celui de prendre des photos, la lumière est magnifique, et un lever de soleil en montagne a vraiment quelque chose de magique! 
















Les premiers rayons de soleil éclairent la neige autour de François qui a entamé l’ascension, avec 2 piolets, et j’ai pour instruction de laisser la corde (30m) se dérouler au maximum. Elle ne suffit pas à sortir, François se fixe au milieu de la paroi.

Une fois qu'il est en bout de corde, c'est mon tour; avec un piolet et en me tenant de l’autre main à une corde en place. L’exercice me permet de constater que les pointes avant des crampons sont très fiables ! ^^

Je dépasse François pour atteindre des rochers, autour desquels je fais passer la corde. Au tour de François, qui monte à nouveau au maximum de ce que la corde lui permet, puis se fixe en pleine paroi. Les mollets tirent drôlement, mais qu’importe, il faut que cela passe et pas question de glisser. D’ailleurs nous ne glisserons aucunement. 
Pour finir je rejoins une nouvelle fois François, le dépasse et sors.

Le col de la Brenva : Fini le soleil! Nous passons dans l’ombre du Mont Maudit, à environ 4400m. Les stalactites décorent la paroi à notre gauche. Arrivée au col de la Brenva, François est tout heureux, il retrouve ses repères d'approche!


La lumière est magnifique, côté Suisse les sommets enneigés créent un relief à l’infini, les nuages y jouent à saute-4000, et les rayons du soleil découpent des rayons bleutés dans une infinité de  dégradés. La neige crisse, et brille. Enchantement...






Et devant nous, tout rond, une ‘butte’ : et oui, c’est bien lui! Il n’est plus très loin, ce Mont Blanc! Ah, il est vrai quand même que les cordées qui sont presque au sommet ressemblent à des fourmis… Mais il a une bonne tête sous cet angle, et il n’a jamais été aussi près! :D Sur sa droite, des files et des files de fourmis sont en train d’en terminer l’ascension, on voit les fameuses bosses se détacher sur le ciel, elles sont costaud dis donc; 
alors que du côté où on l'aborde, il prête un large flan.





Mais il faut s’arracher à la contemplation, et … 

...se couvrir, il fait un froid de canard! Tout mon sac y passe : veste plumes d’oie, softshell, hardshell en Goretex, bonnet et capuche aux mains mes gants chauffants sont déjà à l’oeuvre (et oui, et oui! Je ne suis pas Balmat, moi! ;D ) et les moufles en plume d’oie viennent enfin finir la protection. Seuls les pieds chicanent un peu malgré leurs chaussettes chauffantes (et oui, et oui!). Pour François, les mêmes couches sur le corps, mais de simples gants en laine lui suffisent. Il m’avouera quand même plus tard avoir eu froid aux pieds aussi…

Et enfin...
 En mesurant, restent encore 500m, allez ce n’est plus grand chose! La ‘butte’ se monte en serpentant, malgré cela je commence à compter mes pas.

Un hélicoptère surgit, il a l’air de suivre un trailer. Puis un autre, cette fois autour d’une voile. Tiens, ont-elles le droit d’être par ici? (Nous apprendrons plus tard que... non, pas vraiment, le survol du Mont Blanc est interdit en été, car trop d'alpiniste...)

Moyennant quelques pauses pour s’adapter à mon rythme, nous grimpons, je compte...


Héhé, les bosses sont maintenant en dessous :))) Première fois que je les regarde de haut!

Puis tout à coup, François s’efface, et je vois des gens à taille humaine, grands comme le pouce, et qui n’avancent plus! 



Le somment est là, à quelques pas! Je termine en tête, pas tout à fait avec des ailes mais plus légère tout à coup, et enfin ça y est, je sais que ce dernier crampon que je pose est au sommet! Grande émotion, c’est là!!!! Oh là là là là, nous y sommes, j'y suis! 
Il est 10h20 (un peu plus tard sur la montre, le temps qu'on joue à faire plein plein de photos! ;D


Deux personnes seulement sont au sommet, ils nous accueillent avec un grand sourire, proposent de nous prendre en photo. Ils en prennent obligeamment sous tous les angles, il faut bien viser car des nuages sont montés côté Suisse et dissimulent le paysage de ce côté. 

Reste quand même la vue sur le Tacul, et l’arête sommitale de la voie normale se détache sur le ciel bleu, c’est nickel. 

Puis les deux descendent, et nous restons seuls au sommet pendant dix bonnes minutes!! Totalement inouï, avec le nombre de personnes qui l’abordent chaque jour! 


Nous profitons pleinement de notre chance. Oui enfin... Surtout une... ;D)))
Le bonheur, c'est ça!

Fini le froid, il fait bien chaud maintenant…

François, en bon guide, pense déjà à la descente. Et oui, pas question de s’attarder de trop. 
Mais je garde un émerveillement ou peut être est-ce l’euphorie dont le Papa de François m’avait parlé. Nous arrivons au sommet exactement 30 ans après sa propre ascension, il nous avait d’ailleurs promis que c’était un facteur de chance! À raison !:D))

La descente :
Nous repartons par l’arête sommitale bien connue, où nous croiserons plusieurs cordées qui avancent à pas comptés, je les comprends, hi hi! Pas si évident de se croiser, la trace est étroite, et les pentes de part et d’autre bien raides… Priorité à ceux qui montent bien sûr. Qu’elles sont belles, ces arêtes, quand on n’a pas le vertige elles sont merveilleuses!! Elles donnent la sensation de pouvoir voler…

Franchissement d'une rimaye :
 Des marches étaient creusées dans la glace avec une corde en place, ça nous a bien aidés.

Allez il faut regrimper, la première bosse est devant nous, elle grimpe bien fort même à la ‘descente’… 
Deuxième bosse, on se fait doubler par un garçon qui descend en courant, en mode léger – et bien sûr avec des crampons sous les chaussures. Quand je pense à l’article du PGHM pour mettre en garde les trailers qui veulent ‘imiter’ Kilian Jornet, et sont retrouvés pour seul équipement en basket et kway sur le Mont Blanc… Je garantis que ces pentes ne se descendraient pas en basket sans courir des risques majeurs – et stupides… Je pense aussi à Kilian, en conférence à Paris au mois de mai, déplorant qu’il avait beau prévenir ceux qui prétendent l’imiter que la montagne ne se pratique pas sans une sérieuse expérience, il n’est pas toujours entendu…
En tout cas aujourd’hui, pas d’inconscient en vue, et un grand bravo à ceux qui montent et descendent vite (et avec l’équipement requis).

De là où nous sommes, vue imprenable sur la très élégante arête de Bionassay, et ses dômes de Miage auxquels nous avons rendu visite il y a un mois J)) superbe souvenir





Nous continuons la descente. En nous posant pour laisser passer une cordée, un faux mouvement, et mon piolet m’échappe! Il part en glissade sur la forte pente, mais coup de chance s’accroche dans la neige quelques pas en dessous… François m’assure et je descends le récupérer rapidement. Ouf!
Nous arrivons au refuge Valot, casse croûte, il est midi! Quelle vue…. Un américain monte, il part d’un rire expressif et complice en nous voyant, c’est drôle; au sommet et à son approche, je trouve la solidarité qui je trouve manquait soit dans le refuge soit sur les pentes. Il fallait monter encore pour la trouver J
















Nous repartons vite, la route est encore très longue. Sous Valot, le dôme du Goûter, salut toi! L’an dernier c’est là que nous avions du nous arrêter. Je suis ravie de lui faire un petit signe complice, encore enchantée de ma rencontre avec le sommet à peine auparavant ;)


Peu après le dôme, et sa dernière montée (hou là là, la moindre montée pèse maintenant sérieusement sur mes cuisses ) une pause; je pose mon sac pour y attraper un truc. Deuxième bévue. Est-ce la fatigue? Je veille pourtant d’habitude au sens de la pente, mais là, il se retourne mollement… et ne s’arrête pas là, une nouvelle fois, puis une autre, et c’est trop tard, je n’ai plus qu’à regarder mon sac dévaler la pente en continuant joyeusement à retourner! Nous partons à sa suite en suivant le sentier, je prie pour qu’il soit contenu par un rebord, qu’il franchit allègrement, et… il disparaît à notre vue. Je continue sur les traces en pestant, et en l’imaginant glisser à l’infini jusqu’à rencontrer le glacier ou tomber dans une de ces grandes fentes bleues que l’on aperçoit plus bas… et au détour d’un mouvement de terrain, hop il est là, à attendre bien sagement après son escapade!!! Quelle chance! Nous avançons prudemment pour le récupérer, à l’affût des possibles crevasses, il n’est pas très loin et une fois de plus je remercie fort ma bonne étoile qui a évité une nouvelle belle galère…

Le paysage où mon sac a failli disparaître...

Allez je le remets de suite, promis, je ne me plaindrai plus de ton poids le sac! ;)
Nous laissons le refuge du Goûter sur notre gauche, où montent de nombreuses cordées. La dernière descente (bien raide) pour arriver à la plateforme métallique, où nous nous déséquipons, pour aborder la partie de désescalade qui mène au couloir. J’en profite pour me renseigner sur l’état de celui ci auprès d’un guide : il est propre, me dit il, pas de neige, et cela ne chute pas beaucoup. Bonne nouvelle! 





On se déséquipe : Entre temps les nuages sont montés, et il neige maintenant! Cette descente que j’ai trouvé tellement ludique les 2 autres fois, je n’y suis pas aussi agile aujourd’hui. Une autre cordée nous dépasse, qui vient du Mont Blanc aussi, mais par les dômes de Miage et l’Aiguille de Bionnassay! Chapeau! :D Mais pour moi, prudence, et la désescalade est bien longue… 

Enfin le couloir, nous y avons vu quelques pierres chuter, mais rien pour notre passage. J'exhorte 2 japonais à accélérer leur traversée, pour laquelle je trouve qu’ils prennent bien le temps…

Le couloir l'an dernier. Cette année, aucune trace de neige, il était sec :

Puis la partie enneigée – impossible d’y glisser tranquillou, comme on s’y amusait comme des fous il y a quelques jours au Buet, les cuisses ne tiennent plus et tombe à chaque pas, hou là là… 
Le névé de Tête Rousse, 'an dernier toujours

Nous voilà à tête Rousse, 3200m environ, reste la partie ‘himalayenne’ de rochers rouges à descendre, pour retrouver le train. Il y a des trains jusqu’à 18h30, cela devrait le faire, même en descendant tranquillement. 

(l'an dernier, ce passage sous le soleil)  






Par contre, l’orage tonne dans la vallée… Ce serait quand même dommage de finir foudroyés après le Mont Blanc! Nous prenons les piolets à la main, et zou, on verra si l’orage s’approche. On descend et descend et descend, sans fin. Je repêche une nouvelle fois mes japonais, qui prennent une petite cabane pour la gare… Oh que non, il faut encore descendre, et descendre, et descendre… 700m à perdre environ, pour arriver au nid d’Aigle. Enfin nous y voilà, et par chance le train qui arrive 30 min plus tard a encore des places!



C’est fini! Les pieds douloureux, nous trouvons à nous caser sur les bancs de ce drôle de petit train tout en pente – c’est Jeanne qui nous transporte aujourd’hui J) Changement à Bellevue pour prendre le téléphérique. Et aux Houches, ce sont les parents de François qui viennent nous récupérer, quelle chance!













Il est environ 18h30, nous sommes à pied d’oeuvre depuis 2h le matin : quelle sacrée virée!! Mais c’est l’émerveillement qui prévaut, le cerveau encore empreint de la magie d’avoir été au sommet!







Épilogue
Nous recevrons au cours de la descente un appel du refuge des Cosmiques: une enquête sur l'avalanche de la nuit, et une cordée de 3 personnes recherchées. Nous faisons jouer à nouveau les images imprimées dans nos souvenirs, et sommes affirmatifs : aucune lumière n'a disparu.
Hélas, nous apprendrons que cette cordée aura rencontré un destin tragique, et nous retournons les éléments dans notre tête : ils n'ont pas suivi le même chemin que nous et sont passés forcément plus haut. Aucune autre cordée n'a repéré ce qui s'est passé. Nous restons tristes, d'autant plus que nécessairement ces 3 personnes étaient là, quelque part attablés dans la grande salle du refuge hier soir, avec nous...
La haute  montagne reste un milieu où le drame rôde, à prendre avec beaucoup de sérieux.

Voici le mot écrit par François le lendemain de notre descente :
"Stupeur, bonheur et tristesse dans l'ascension du Mt Blanc.
Stupeur d'avoir assisté ce 16 août à l'effondrement de gigantesques tours de glace, des séracs, dans la face nord du Mt Maudit. Un fracas épouvantable à 5h, en pleine nuit. La montagne qui tremble. Les cordées au-dessus de nous dont on ne voit que les frontales dont les faisceaux balaient la face frénétiquement en pleine panique. La nuit noire. Nous sommes presque au col à 4030m, au pied de la face. Un grand sentiment d'impuissance. La peur d'être emporté par le souffle de l'avalanche ou les blocs de glace. Le silence revient peu à peu au bout de longues minutes. Plus personne ne bouge. Aucune lumière n'a été emportée. Aucune victime. C'est du moins ce que l'on croit sur l'instant. Une cordée d'italien fait demi-tour, ils sont choqués car ils ont vu la neige déferler devant eux. J'estime que la zone jusqu'à l'arête Kuffner est purgée. Je n'ai pas entendu parler de risques particuliers sur cette face nord. Nous décidons de continuer. Il est 5h. Il fait -10°. Il n'y a pas de risques objectifs anormaux.
La face a été réellement ravagée sur cent mètres de large. Nous atteignons la rimaye pour terminer l'escalade du mur partiellement glacé qui mène à la brèche 4370m. C'est la voie normale des trois monts. La course continue. Nous ignorons ce qui s'est passé 150m au dessus de nous...
Quelques heures plus tard, c'est le Bonheur d'atteindre le sommet du Mt Blanc par le mur de la Côte. Cela fait quelques années que je n'y étais pas remonté. Cette course est décidément magnifique. Rebuffat, le grand guide de l'Anapurna avait raison. C'est une vraie course d'alpinisme. Un grand moment en haute montagne. Nous somme privilégiés car nous bénéficions de dix minutes complètement seuls là-haut. Aucune cordée ne monte par l'arête des bosses. Moment de joie, instants de communion pour partager la fête d'avoir atteint le sommet, sentiment d'accomplissement. Photos souvenirs. Décontraction. Futilité, légèreté. Sourires.
Le lendemain, après la redescente à Chamonix, les coups de fil du refuge des Cosmiques et les infos demandées par le PGHM, les sauveteurs en montagne, me confirment qu'un drame s'est bien déroulé. Un guide et deux clientes se sont fait emportés par l'effondrement des séracs. Les corps seront retrouvés quelques heures plus tard.
Aujourd'hui, sur toutes les radios, l'information est relayée.
Les sentiments sont mêlés ce soir.
Énormes pensées pour les familles et amis des victimes."